Stérilisation volontaire : le parcours du combattant

– Bonjour, peux-tu te présenter à nos lecteurs ?
Je m’appelle Marie, j’ai 27 ans. Je suis infographiste freelance et en couple depuis 2 ans avec un homme qui lui a déjà des enfants, mais il ne vivent pas avec nous et je ne m’implique pas dans leur éducation. Je suis childfree depuis toujours, j’ai envie de dire, car je me rend compte que je n’ai jamais voulu avoir d’enfant, j’irais même plus loin que ça, je ne les aime pas.

– Comme bon nombre d’entre nous, tu ne souhaites pas avoir d’enfant. Comment as-tu découvert que ça n’était pas pour toi ?
Non effectivement, je n’en veux pas. Je m’en suis rendu compte assez jeune, déjà au collège quand je voyais certaines de mes camarades de classe choisir des orientations « Petite enfance » ou vouloir devenir infermière en maternité, je me demandais « Pourquoi vouloir travailler avec des enfants ? » mais le moment où j’ai pris conscience que je n’en voulais pas c’est lorsque passé la vingtaine, j’ai revu des amis d’enfance avoir des bébés et me dire « Et toi t’en a pas ? Pourquoi ? » et en répondant simplement que je n’en veux pas, mes amies ne comprenais pas, alors je rajoutais « Pas pour le moment on verra plus tard. », c’est parfois plus simple.

– Tu sembles avoir fait ton choix depuis de nombreuses années, c’est difficile de se faire entendre quand on est jeune ?
Oui ça a été très difficile pour moi. Au début j’ai regardé sur internet par curiosité si on avait le droit de se faire stériliser volontairement ou si c’était réservé à des cas médicaux. Et quand j’ai découvert qu’il suffisait d’avoir 18 ans et de respecter un délais de réflexion de 4 mois, je me suis dis « GO c’est ça que je veux » mais à ce moment là j’avais 19 ans. Autant vous dire que je me prenais beaucoup de réflexions de la part des médecins (généralistes, gynécologues et psychologues). « Vous êtes trop jeune je ne pratique pas sur les moins de 30 ans. », « Si vous n’avez pas d’enfant, vous allez faire quoi de votre vie seule ? » ou « Et si votre conjoint en veut lui, vous n’allez quand même pas le privé de ça ? ». Je dois dire que cette dernière réflexion est de loin la plus blessante car ça insinue que je ne sert qu’à ça, faire des enfants, presque pour les autres, parce que c’est socialement approuvé.

– Depuis quelques années, tu cherches donc à te faire stériliser. Comment est apparue cette envie ?
A la base je regardais pour des nouvelles méthodes de contraceptions, pour quelque choses de moins prise de tête que la pilule. Et je suis tombé sur un article qui parlait de contraception définitive mais seulement pour les femmes de plus de 40 ans avec des enfants. Je me suis dis je me renseigne quand même, et de sites Internet en sites Internet, j’ai vu qu’il y avait eu des cas de stérilisation chez des femmes de moins de 30 ans et sans enfant. Je me suis dis « Ca doit être tellement plus serein de ne plus y penser. » et j’ai voulu le faire, malgré ma peur des hôpitaux et des opérations, j’ai pris mon courage à deux mains et je suis parti « en croisade » contre le monde (en tout cas c’est un ressenti maintenant, 8 ans après le début de mes recherches).

– Tu as rencontré des difficultés dans tes démarches de stérilisation ?
Oui évidemment, jusqu’à cette année (2020) je tombais souvent sur des praticiens plutôt fermés et certains ont mal réagi, voir assez « violemment » à ma demande, dans le sens où le médecin s’est énervé un petit peu en me répondant que je n’étais qu’une gamine égoïste et inconsciente de la chance que j’avais. Mais ce genre de réaction n’est arrivé qu’une fois, la plupart du temps on me balance les réflexions habituelles, trop jeune, tu changeras d’avis, bla bla bla. Au bout de 2 ans de recherches, pour m’éviter une consultation à payer et un jugement négatif, je téléphonais ou envoyais un mail au cabinet, le personnel d’accueil est généralement au courant si oui ou non le médecin pratique ces interventions sur femmes nullipare.

– Ton opération approche, c’est une sorte de victoire / concrétisation pour toi ?
Une victoire, clairement. J’ai réussi à faire accepter mon choix de vie et trouvé un praticien à l’écoute qui ne m’a pas jugé. Pour lui, je suis dans mon droit, j’ai 18 ans révolu et on a respecté le délais de réflexion. Il ne m’a pas fait passer d’entretien psychologique, ce que j’ai apprécié, car j’ai vu que ça pouvait faire partie de la procédure chez les moins de 30 ans. Je n’ai pas encore la date de mon opération, mais apparemment ce serait possible avant la fin de l’année. C’est bête de dire ça, mais je vais enfin être débarrassé d’un poids, en quelque sorte. Adieu la peur du déni de grossesse.

– As-tu parlé de ton choix à ton entourage (famille/amis) ? Quelles ont été leurs réactions ?
J’ai vaguement tâté le terrain avec mes parents, mon père m’a clairement dit de faire ce que je pensais le mieux pour moi, c’est ma vie. Mais ma mère veut être grand mère je le sais, je n’aborderais pas tout de suite le sujet avec elle. Sinon il y a bien sûr mon conjoint qui est au courant et qui accepte, selon lui il n’a pas son mot à dire, ça ne le concerne pas, je fais ce que je veux de mon corps. Et des amis qui sont childfree comme moi, mais bizarrement nous ne parlons pas forcément de ça entre nous, étant donné que c’est acquis pour nous que nous n’en voulons pas.

– Comment as-tu découvert qu’il existait une communauté de personnes sans enfant par choix ?
Sur twitter, j’ai tapé #childfree dans la recherche et j’ai vu qu’il y avait un compte twitter et un serveur Discord avec des gens comme moi, pour en parler. Bien que je connaissais déjà des childfree ou que ce terme existait, c’est toujours bien d’avoir des gens comme nous avec qui parler de ça ou d’autres choses, car on est souvent mis à l’écart quand on dit publiquement qu’on veut rester seul ou à 2. Les gens ne comprennent pas forcément et ça les met mal à l’aise et j’ai remarqué qu’il ne savent pas de quoi nous parler du coup.

– Est-ce que ça t’as un peu aidé à te construire ?
Je ne sais pas si ça m’a aidé, d’un certaine façon mes démarches et mes recherches oui, dans le sens où ça m’a conforté dans mon choix. Et si je devais retenir une chose de ces 8 ans de recherches, je dirais que toute grande décision dans la vie engendre quelques doutes même lorsque on est sûr de son choix.

– Un dernier petit mot ? Quelque chose à rajouter ?
Je sais que ça peu paraître un poil agressif peut être, on se rend bien compte que le sujet m’a beaucoup énervé ces 8 dernières années, mon parcours n’a pas été simple. Et même si ça a été plutôt négatif tout du long, j’ai enfin réussi. Et je ne cherche pas à embellir mon histoire, pour ne pas faire croire que c’est facile, au contraire mais surtout, je ne veux pas que cette histoire, avec ma façon de la raconter vous décourage. Alors si vous êtes décidé, allez au bout. Rejoignez des groupe sur Facebook, sur Discord, le meilleur moyen de trouver « chaussure à son pied », c’est de parler avec des gens qui sont déjà passé par là, c’est grâce à un groupe de ce genre que j’ai trouver mon médecin et je suis maintenant dans la dernière ligne droite.