Si vous fréquentez les réseaux sociaux, il y a de fortes chances que vous ayez déjà vu circuler une image regroupant les phrases les plus souvent adressées aux personnes qui choisissent de ne pas avoir d’enfants. Pour aller un peu plus loin que ce simple mème, voici une explication détaillée de ce qui peut poser problème dans ces remarques, fréquentes et parfois pesantes.
Tu changeras d’avis.
Parmi toutes les remarques adressées aux personnes childfree, celle-ci est très fréquente. Il arrive que des choix évoluent, mais pour la majorité des personnes qui ont réfléchi à la parentalité et décidé de ne pas avoir d’enfant, ce changement d’avis est rare. C’est fréquemment un choix durable. Présenter cette idée comme une évidence renforce la pression sociale, comme si ne pas vouloir d’enfant était une phase temporaire. Or, ce choix reste difficile à faire accepter et il n’est pas pris à la légère.
Tu ne connaîtras jamais l’amour.
Affirmer qu’on ne connaîtra pas l’amour parce qu’on n’a pas d’enfant suppose qu’il n’existe qu’une seule forme d’amour. Pourtant, ce sentiment prend de nombreuses formes, qu’il s’agisse de la famille, des amis ou d’un·e partenaire. La question de l’amour n’a jamais reçu de définition universelle, ni en philosophie ni en science, et il paraît exagéré de croire qu’il ne s’exprime qu’à travers la parentalité.
Tu regretteras ton choix plus tard.
C’est une phrase que beaucoup entendent régulièrement. À l’âge adulte, rares sont celles et ceux qui regrettent de ne pas avoir eu d’enfant. À l’inverse, il est possible de regretter d’en avoir eu, un phénomène qui existe aussi, mais dont on parle moins souvent.
C’est impossible, tout le monde veut des enfants.
Pourtant, il existe de nombreuses personnes qui ne souhaitent pas devenir parents, et leurs raisons sont diverses. Penser que l’absence de désir d’enfant serait un problème favorise encore la pression sociale. Généralement, la décision de ne pas avoir d’enfant résulte d’une réflexion approfondie.
Et vous, c’est pour quand ?
Cette question illustre une pression sociale bien ancrée : dès qu’un couple paraît installé, on s’attend à ce que les enfants suivent. Pourtant, ce choix appartient uniquement aux personnes concernées. Par ailleurs, il faut se rappeler que tout le monde n’a pas la possibilité d’avoir des enfants, et certaines personnes ne sont pas parentes sans l’avoir choisi.
À quoi sert un couple sans enfant ?
Ramener le couple à la seule reproduction n’a plus vraiment de sens aujourd’hui. Deux personnes peuvent très bien vouloir vivre ensemble sans vouloir devenir parents. Le couple se définit avant tout par le partage, pas nécessairement par la parentalité.
Mais les bébés sont si mignons, sentent si bon.
Apprécier les bébés n’est pas une raison suffisante pour devenir parent. Le désir d’enfant ne se limite pas à l’attirance pour leur côté attendrissant : il implique de mesurer les bouleversements qu’apporte l’arrivée d’un enfant.
Tu n’as pas d’enfant, tu ne peux pas comprendre.
On sous-entend ici qu’il serait impossible de comprendre le lien parent-enfant sans l’avoir vécu soi-même. Pourtant, il est tout à fait possible de saisir la force de ce lien sans être parent, et beaucoup de personnes childfree prennent leur décision en ayant bien compris ce qu’implique la parentalité.
Qui va transmettre ton nom de famille ?
La question de la transmission du nom a surtout une valeur symbolique ou historique. Il est peu probable que l’absence de descendance soit vraiment importante, une fois qu’on n’est plus là. Faire un enfant pour transmettre un nom n’est généralement pas une motivation suffisante.
Qui s’occupera de toi quand tu seras vieux/vieille ?
Imaginer que les enfants prendront en charge leurs parents âgés ne correspond pas à la réalité de beaucoup de personnes âgées aujourd’hui. La société prévoit des dispositifs pour cela, et il n’est pas souhaitable de faire peser cette charge sur ses enfants.
Quel dommage, tu serais un super parent !
On peut posséder de nombreuses qualités humaines sans avoir envie ou se sentir capable d’assumer le rôle de parent. Ce n’est pas parce qu’on serait « fait pour » que ce choix s’impose à soi. Les personnes concernées sont souvent bien placées pour savoir si elles souhaitent assumer cette responsabilité ou non.
Comme c’est triste.
Ne pas avoir d’enfant n’est pas synonyme de tristesse. Beaucoup de personnes trouvent leur épanouissement ailleurs et n’éprouvent aucune frustration à ce sujet. À l’inverse, avoir des enfants pour suivre une norme ou faire plaisir à son entourage peut conduire à des regrets.
Un jour tu rencontreras quelqu’un qui te fera changer d’avis.
Beaucoup choisissent leur partenaire en tenant compte de leur vision de la parentalité. Tomber amoureux n’implique pas forcément de revoir ses convictions profondes, et cela peut même nuire au couple si l’un impose sa volonté à l’autre.
Tu n’aimes pas les enfants ?
Ce raccourci revient souvent. Beaucoup de personnes qui ne souhaitent pas d’enfant apprécient pourtant les enfants, mais ne se sentent pas prêtes à assumer ce rôle. D’autres se sentent moins à l’aise, mais cela n’ôte rien à leur empathie ou leur humanité.
Tu verras quand tu en auras.
Cette remarque participe à l’idée que la parentalité serait une étape inévitable. Pourtant, tout le monde n’en a pas le désir ou la capacité. Dire que tout change lorsqu’on a ses propres enfants suppose qu’il n’existe qu’une seule façon d’être adulte.
Une femme sans enfant n’est pas une femme entière.
Réduire la féminité à la maternité est une vision très restreinte. Être femme ne se limite pas à la parentalité. Les façons de vivre sa vie sont multiples et aucune ne remet en cause la valeur d’une personne.
Tu es égoïste.
Les raisons de ne pas vouloir d’enfant sont souvent mûrement réfléchies. On pourrait aussi considérer qu’il est égoïste d’imposer à un futur enfant un monde incertain. Pour certains, ne pas devenir parent est même un choix tourné vers l’intérêt collectif.
Tu es encore jeune, ça viendra.
La pression sociale autour de la parentalité existe dès le plus jeune âge. Plutôt que de répéter qu’on changera forcément d’avis, il serait plus sain d’accepter que certains savent depuis longtemps qu’ils ne souhaitent pas devenir parents.
Tu prives tes parents de petits-enfants.
Faire un enfant pour faire plaisir à sa famille n’est pas un motif satisfaisant. Ce choix doit rester personnel et ne pas dépendre des attentes extérieures. Il est important d’assumer ses propres décisions.
Tu as été un enfant toi aussi.
Le fait d’avoir été enfant ne signifie pas qu’il faille absolument reproduire le même schéma. L’enfance n’a pas été heureuse pour tout le monde, et certaines personnes préfèrent ne pas risquer de transmettre des difficultés vécues.
Tu as eu une enfance malheureuse.
Des expériences passées peuvent parfois expliquer le choix de ne pas vouloir d’enfant, mais ce n’est pas systématique. Beaucoup de personnes ayant fait ce choix ont eu une enfance tout à fait ordinaire, sans événement particulier à signaler.
Donner la vie est la plus belle chose au monde.
Chacun a sa propre définition du bonheur. Pour certains, donner la vie fait partie des expériences importantes, pour d’autres non. La parentalité est souvent idéalisée alors qu’elle comporte aussi ses difficultés.
Ton enfant pourrait guérir le cancer !
Il arrive qu’on évoque l’idée que l’enfant à naître pourrait accomplir de grandes choses. Mais il est tout aussi possible que sa vie soit ordinaire, ou semée d’obstacles. On ne fait pas un enfant dans l’espoir qu’il réalise quelque chose d’exceptionnel.
Ton horloge biologique tourne.
Cette expression traduit souvent une pression sociale plus qu’une réalité biologique universelle. L’âge de la parentalité varie selon les cultures. De toute façon, rappeler à une personne qui ne souhaite pas d’enfant qu’elle « manque le coche » n’a pas vraiment de sens.
En finir avec ces poncifs
Le jour où annoncer qu’on ne souhaite pas d’enfant ne suscitera plus de réaction particulière, on pourra sans doute considérer que le débat est clos. La norme qui voudrait que tout le monde doive devenir parent entretient une pression qui n’a pas lieu d’être. Chacun a ses propres priorités : il importe de respecter les choix de chacun. Votre vie vous appartient, et vos décisions ne concernent que vous.