Récit d’une childfree de longue date

Il est parfois intéressant de découvrir les parcours des childfree. Aujourd’hui, je vous propose le témoignage d’une femme qui a fait le choix de la stérilisation volontaire, il y a quelques années et qui ne regrette absolument pas son choix après toutes ces années.

– Bonjour, peux-tu te présenter à nos lecteurs ?
– J’ai 42 ans, je vis seule et je ne travaille pas. Ça commence fort, non ?

– Ce non-désir d’enfant est apparu tôt ? Comment as-tu découvert que tu étais childfree ?
– Je ne pense pas qu’on naisse childfree, de la même manière qu’on n’est pas fait-e pour avoir des enfants. Mais plus jeune je ne me posais pas spécialement la question : je vivais au jour le jour, comme dans mon entourage adulte il n’y avait que des familles assez standard je voyais ça comme une obligation, une sorte de fatalité pour plus tard, un peu comme une maladie qui viendrait avec l’âge et parfois j’imaginais des trajectoires un peu alternatives pour alléger le mal mais sans plus. C’est en devenant adulte, en prenant le temps de réfléchir et en m’intéressant au féminisme que je me suis dit que ça n’était qu’une option (ouf), et que ça ne serait juste pas possible que j’aie un jour un enfant.

– Le modèle « classique » du couple/famille c’est quelque chose qui ne te convient pas ?
– Pour moi c’est un diktat à grande échelle que je déplore, cela dépasse vraiment la convenance et les goûts personnels. Je suis très triste de constater qu’encore aujourd’hui les liens du sang priment sur les amitiés véritables, que ce soit de manière juridique ou dans les mentalités.

– As-tu ressenti cette fameuse pression sociale autour de la parentalité ?
– Pas vraiment, car les fantaisies que je pouvais déployer étant enfant ont de plus en plus été perçues avec l’âge comme des bizarreries un peu inquiétantes. Aux yeux des bon·nes élèves de la vie, j’étais assez marginale, et comme je n’étais pas vraiment en couple on n’en était pas vraiment à me harceler au sujet d’une éventuelle progéniture.

– Il y a une dizaine d’années, tu as fait le choix de te faire stériliser. As-tu rencontré des difficultés dans cette démarche ?
– Oui, comme beaucoup j’ai été prise pour une gamine inconséquente qui délirait. Alors que pour moi il s’agissait d’un choix logique, raisonnable, en totale cohérence avec mes désirs véritables. Pour l’anecdote, j’ai beaucoup de problèmes de santé et lorsque je dois annoncer aux équipes médicales que j’ai fait ce choix là à 30 ans sans avoir eu d’enfant j’ai encore souvent des remarques désobligeantes ou déplacées, des yeux levés au ciel ou des sous-entendus gestuels lancés par dessus ma tête aux collègues et qui semblent vouloir dire : « Mais quelle conne ! ».

– Quelles ont été les réactions de ton entourage (amis/famille) lorsque tu as fait part de ce choix ?
– J’avais des amis et des connaissances qui me cernaient bien alors je n’ai pas eu de problème et les personnes qui auraient pu être choquées par ce choix n’en n’ont rien su. Mes parents ont dû s’y faire, ils sont un peu tombés des nues car comme beaucoup de personnes quand c’est de la théorie ça passe toujours, mais le passage à la pratique… Pourtant je n’ai absolument jamais manifesté aucun désir d’enfant réel et ça n’aurait pas dû être une surprise.

– Maintenant que tu as du recul, saurais-tu nous expliquer ce que cela t’as apporté ?
– Ce fut un peu comme une forme de coming out, je voulais que tout soit au diapason dans ma vie. Je me suis sentie libérée mais je songeais collectif. Alors je souhaitais aussi, à mon niveau de colibri, faire avancer la cause politiquement parlant. En militant mais aussi par les actes. Que les barrières et les tabous s’effondrent.

– Je sais qu’il y a de jeunes personnes qui lisent ce blog, aurais-tu des choses à leur dire sur le sujet ?
– Que si c’est votre choix, il est légitime et responsable, qu’un comportement mature et sensé n’est pas nécessairement proportionnel au nombre des années.

Qu’il ne faut pas se laisser impressionner par ce corps médical qui pense savoir en 5 minutes de consultation ce qui serait le mieux pour votre vie entière. Je sais comme c’est difficile car je suis très peu sûre de moi en général et facilement déstabilisée. Mais il faut tenir bon et aller voir ailleurs si la personne décide d’être dans illégalité en vous envoyant bouler (un gynécologue bien connu propose même de les attaquer : à voir si vous en avez l’énergie !).

– On voit de plus en plus de gens devenir childfree par conscience écologique, c’est un sujet qui te touche également ?
– Totalement ! Notre espèce est tellement invasive, égocentrée, et notre mode de vie Occidental n’est pas viable ! Le sujet commence à poindre en France mais on en parlait déjà un peu il y a dix ans dans le documentaire « Childfree, et alors ? » que j’ai réalisé avec un ami. Pour moi c’est vraiment la base car tout enfant, aussi bien éduqué qu’il soit à respecter la planète va forcément avoir un impact sur elle. Quand je vois le nombre d’espèces sauvages qui disparaissent ou sont en déclin sans parler du reste cela m’attriste terriblement.

– Une récente étude a montré que 20 % des parents regrettaient d’avoir fait des enfants. Qu’est-ce que cela t’inspire-t-il ?
– Beaucoup de déception également. Je songe à un énorme gâchis au niveau humain, une absurdité sans nom. Ceci dit je ne suis pas étonnée d’un tel constat et je trouve ces personnes très honnêtes d’avoir été capables d’avouer leurs regrets.

– Des projets à partager ? Quelque chose à rajouter ?
– J’aimerais depuis longtemps faire un travail sur le diktat du couple et imaginer d’autres possibilités de vies en collaboration, si jamais cela tente quiconque d’y réfléchir avec moi. Sinon un grand merci pour ce temps de parole accordé !