Être childfree et donner ses ovocytes

– Bonjour, peux-tu te présenter à nos lecteurs ?
Bonjour, je m’appelle Jessie, j’ai 36 ans. J’ai plusieurs métiers, pâtissière, opératrice de production en usine et puis gouvernante (responsable d’une équipe de femmes de chambre, à ne pas confondre avec une nounou). Je suis britannique d’origine, j’ai vécu 1/3 de ma vie en Angleterre. Je suis donc bilingue. Je suis mariée, sans animaux.

– Tu ne souhaites pas avoir d’enfant, comment as-tu découvert que ça n’était pas ce que tu voulais ?
Ça a toujours été comme ça, je pense. Je n’ai pas de souvenir précis où je me suis dit que j’en voudrais un jour. A l’adolescence, l’idée a commencé à prendre forme un peu plus. Mais quand je l’exprimais, à l’époque, on m’a dit que ça viendrait avec l’âge, que j’étais jeune, etc (enfin tout le monde sais de quoi je parle, on l’a tous entendu). Je suis relativement ouverte alors je me suis dit OK, pourquoi pas, effectivement, je suis jeune, je peux changer d’avis. Et puis plus le temps a passé et plus j’ai lu des livres sur ce sujet (« No Kids: 40 Good Reasons Not to Have Children » de Corinne Maier, je le conseille, c’est écrit par un maman) et plus j’ai trouvé de raisons de ne pas en avoir. Ce n’était plus juste un sentiment, c’est devenu ma façon de vivre.

– Comment ton choix a-t-il été accueilli dans ta famille et avec tes amis ?
J’ai eu de la chance, dans ma famille ça a été accepté sans aucun souci, je viens d’un milieu relativement tolérant. En ce qui concerne les amis, ils ont tous beaucoup mieux compris mon choix le jour ou ils sont devenus parents !

– J’imagine qu’il y a des enfants dans ton entourage, quelles relations entretiens-tu avec eux ?
J’ai plusieurs neveux et nièces (des vrais et des « faux », ceux qui ne sont pas de ma famille mais qui m’appellent quand même tata). J’adore passer du temps avec eux et mon mari a un vrai don avec les enfants. Ils sont toujours plus sages avec nous qu’avec leurs parents, on a vraiment le beau rôle en tant que tata et tonton.

– Depuis plusieurs années, tu donnes tes ovocytes, peux-tu nous parler de ce sujet ?
Effectivement j’ai fait plusieurs dons d’ovocytes, il y a 4 ans. 14 pour être exacte. C’est une décision qu’il ne faut pas prendre à la légère, déjà parce que c’est extrêmement contraignant comme don puis pour plein de raisons moralement discutables.

– Qu’est-ce qui t’as motivée à faire ces dons ?
J’avais lu plusieurs témoignages de personnes qui n’arrivaient pas a procréer puis j’ai pas mal discuté avec des personnes que je savais qui étaient en difficulté. J’ai été touché par leur peine, on en parle pas encore assez de ce problème. Puis un jour, j’ai lu une lettre ouverte d’une femme qui était en attente d’un don, les listes d’attente sont interminables, l’attente est souvent d’au moins 5 ans. Je ne veux pas d’enfant mais je conçois totalement que pour beaucoup de gens, c’est leur projet de vie, qu’ils ne vivent que pour ça. Je me suis dit, j’en jette un par mois dans les toilettes, au moins ça servira à quelqu’un.

– Peux-tu nous expliquer comment cela se passe ?
J’ai appelé le CECOS (Centre d’étude et de conservation des œufs et du sperme humains) de ma ville. Ils m’ont donné 3 rendez-vous pour le même après midi : gynéco, chef du service et psychologue. Le gynécologue a fait un bilan rapide puis une prise de sang pour définir mon caryotype et de détecter d’éventuelles MST. Le chef du service explique la procédure, demande nos antécédents médicaux, remplit une fiche avec toutes les données physique (oui, on va pas donner un ovocyte d’une femme blonde au yeux bleus a une brune au yeux noirs) et puis enfin le psychologue pour vérifier que l’on est en possession de tous nos moyens pour prendre cette décision.

J’ai reçu un document avec toute la procédure à suivre à partir des prochaines règles. Jusqu’à là : facile. Puis premier jour des règles, je devais prendre une pilule contraceptive pendant 3 semaines (pour bien me régler, il me semble). Ça faisait 10 ans que je ne prenais plus d’hormones, j’étais au bout de ma vie, déprimée, susceptible et j’en passe. Ensuite c’est une piqûre d’hormones tous les jours pour stimuler les ovaires, pour produire et faire grossir des ovocytes dans leurs follicules. Au bout d’une semaine, échographie pour voir où ça en est. Heureusement j’ai très bien réagi au traitement, j’en ai développé beaucoup très rapidement. J’ai fait 2 autres échographies, un jour sur deux puis ils ont jugé qu’il y en avait assez.

Enfin, on a une piqûre différente qui empêche les ovocytes de descendre en attendant l’extraction. L’opération était deux jours plus tard. On a le choix entre anesthésie locale ou générale, j’ai choisi la locale. Bon là, on attaque la partie beaucoup moins drôle. Pour le prélèvement ça se passe sous échographie par voie vaginale. Donc avec un « aspirateur », ils viennent percer les follicules pour extraire le liquide et les ovocytes. Sur 20 follicules il y en avait que 14 de viables. C’est une opération très douloureuse même sous anesthésie et j’ai mis quelques jours pour m’en remettre.

– On entend souvent des gens nous dire que certaines personnes n’ont pas la chance de pouvoir faire des enfants. Est-ce que le don d’ovocytes n’est pas la meilleure réponse à leur apporter ?
C’est très contraignant comme don et il n’a aucune raison de donner en France, à part par empathie. De ce fait, il y a très peu de donneuses (par exemple, sur mon département, sur l’année précédent mon don, il y en a eu que 2). Le sujet de rémunérer les donneuses est très épineux et moi-même je sais pas si ça serait une bonne idée mais ce qu’il a de sûr c’est qu’il y aurait plus de dons si c’était le cas. Il aide des couples dont le souci viens des ovocytes (femmes ménopausée très jeune, maladie génétique, etc) donc ça ne résout pas tous les problèmes.

– D’une certaine manière, tu perpétues ton patrimoine génétique. C’est quelque chose qui compte pour toi ?
Absolument pas. Puis j’ai 4 sœurs et 2 frères, ils ont fait ce qu’il faut !

– Il arrive que des personnes souhaitent connaître les donneurs quand elles arrivent à l’âge adulte. Tu as un point sur cette question ?
Je me questionne sur deux sujets par rapport à mon don. Le premier c’est est-ce que ça a fonctionné pour les couples receveurs ? Et le deuxième, c’est est-ce que ces enfants vont me ressembler ? Physiquement ou mentalement. A quel point sommes nous modelés par notre génétique et à quel point par notre éducation ? J’aimerais rencontrer ces personnes, un jour, juste par curiosité mais jamais je ne les considérais comme les miens. Pour plus d’infos le site www.dondovocytes.fr est très complet.

– Quelque chose à rajouter ? Un petit mot pour nos amis childfree ?
Non, je pense qu’ils ont tous compris et où se trouve leur bonheur. Les childfree sont des gens qui se sont posé les bonnes questions et à partir de là, je pense que notre vie ne peut être que plus riche.