Stérilisation volontaire d’un couple sans enfant

– Bonjour Laura, est-ce que tu peux te présenter un peu ?
– Bonjour ! J’ai 28 ans, 29 en juillet et je suis chargée de recrutement. J’ai deux chats, Haïku et Harry, je suis avec mon copain depuis 5 ans et végétarienne depuis 9 ans. Voilà pour les grosses infos !

– Tu n’as pas souhaité avoir d’enfant, comment as-tu découvert la communauté childfree ?
– J’ai toujours été mal à l’aise avec l’idée d’avoir des enfants un jour. Quand j’étais petite, je disais que je n’en aurai pas. Par la suite, avec mon premier copain, on se disait qu’on en aurait surement mais sans y songer sérieusement puisqu’on se considérait trop jeunes pour envisager quoi que ce soit et que nous n’avions pas de situation stable (lui en intérim, moi en études). Plus tard, j’ai rencontré mon copain actuel, et en en discutant dès le début on avait à peu près le même point de vue : on n’en veut pas actuellement, on ne se voit pas avec des enfants par la suite mais si un jour une envie irrépressible d’avoir un enfant se présentait, on adopterait très certainement. Quoiqu’il arrive, on ne voulait pas mettre d’enfant au monde sur une planète qui va si mal.

J’ai vu passer un tweet d’une personne expliquant qu’elle n’avait pas d’enfant et s’était faite stérilisée. Elle a indiqué avoir obtenu le nom du praticien par un groupe Facebook dédié à la stérilisation volontaire. J’ai rejoint le groupe et dans un commentaire d’une publication, un groupe Facebook childfree était mentionné. J’en ai rejoint deux et j’ai découvert à cette occasion que j’étais loin d’être la seule à ne pas vouloir d’enfant. Je dois avouer que ça m’a fait du bien de m’en rendre compte, parce que je n’ai personne dans mon entourage qui ne souhaite pas en avoir ou n’en ait pas.

– Toi et ton copain êtes passés par la stérilisation, comment avez-vous pris cette décision ?
– J’ai rejoint le groupe mentionné juste avant et ai commencé à lire quelques témoignages. Avant ce tweet et ce groupe, je ne m’étais jamais posée la question. Je ne pensais pas qu’il était possible d’être stérilisée sans avoir de problème médical le nécessitant. J’ai commencé à y réfléchir, j’en ai parlé à mon copain, en lui expliquant le principe du groupe et le fait qu’il y avait également des hommes. Je lui ai dit que de mon côté, je réfléchissais à le faire. Il m’a posé quelques questions sur ce que j’avais pu lire et nous n’en avons reparlé que deux semaines plus tard.

On était en week-end à Disneyland, c’était la fin de la journée, des enfants partout autour de nous, des caprices, des cris, des pleurs. Un enfer en somme. Mais ça a relancé ce sujet. Je lui ai annoncé qu’après y avoir pas mal réfléchi, j’avais décidé de me faire opérer. J’appréhendais un peu sa réaction parce que c’est irréversible et que je savais qu’il n’en voulait pas mais je me disais que peut-être il pensait changer d’avis un jour. Et là, il m’a dit lui-même que justement, depuis qu’on en avait discuté, il y avait beaucoup réfléchi et avait décidé de le faire aussi de son côté !

– Quelles méthodes de contraception avez-vous choisi ?
– Pour lui ça a été une vasectomie, pour moi une salpingectomie partielle bilatérale avec cautérisation.

– Comment se sont passées les interventions ? Tu peux nous expliquer leurs fonctionnements ?
Une salpingectomie consiste en l’ablation d’une partie des trompes de Fallope (en général entre 1 et 3cm). Chaque extrémité est ensuite cautérisée. Cela permet d’éviter une rencontre entre spermatozoïdes et ovules.
Une vasectomie est réalisée en sectionnant, au niveau des testicules, le canal permettant aux spermatozoïdes de rejoindre l’éjaculat.

Nous avons tous les deux été opérés dans le même hôpital public par une gynécologue et un urologue, tous deux très ouverts et qui ont suivi la procédure à la lettre (délai de réflexion légal de 4 mois, présentation d’autres modes de contraception, information sur les risques etc.). Tout s’est très bien déroulé pour lui comme pour moi. Nous avons eu une anesthésie générale mais il faut savoir que beaucoup d’urologues pratiquent la vasectomie en anesthésie locale.

– Diriez-vous qu’il y a un avant et un après stérilisation ?
– De mon côté, complètement. Je vivais (depuis le début de mon activité sexuelle, soit plus de 10 ans) avec une peur incroyable du déni de grossesse. Je me sentais en mesure de réaliser une IVG si je tombais enceinte mais il reste très peu de solutions lorsque l’on s’en rend compte une fois le délai légal passé que ce soit en France ou à l’étranger. Or une grossesse reste possible avec n’importe quelle contraception. Ce pourcentage d’incertitude me stressait énormément et il se passait rarement une journée sans que je vienne à me dire à un moment « ça se trouve t’es enceinte et tu le sais pas ». Je faisais des tests de grossesse tous les 2/3 mois sans raison, juste pour me rassurer. Quand j’ai appris que je pouvais accéder à une contraception définitive et ne plus angoisser à ce sujet, ça a été un vrai soulagement. Le côté « mécanique » de la chose me rassurait aussi beaucoup (dans le sens où si c’est bien réalisé et que tout cicatrise correctement notamment aux endroits où ça a été cautérisé, il n’y a pas de passage possible pour les spermatozoïdes). Depuis l’opération, je suis beaucoup moins angoissée à ce sujet. Pour être tout à fait honnête, je ne serai définitivement soulagée qu’en septembre 2020, quand ça fera 9 mois que l’opération sera passée et que j’aurai la certitude de ne pas être tombée enceinte avant cela (les habitudes ont la vie dure !) mais ça va déjà beaucoup mieux, j’y pense beaucoup plus rarement qu’avant et le sujet ne génère plus autant d’angoisse.

Mon copain est content de l’avoir fait mais il ne vivait pas avec le même niveau de stress donc il est un peu soulagé mais surtout ravi que tout ce qui a trait à la contraception soit derrière nous. Il a voulu se faire opérer pour faire sa « part » quant à la contraception parce qu’il est conscient qu’une contraception se gère à deux, donc maintenant au moins il est tranquille !

– Quelque chose à rajouter ? Des conseils pour ceux qui aimeraient se faire stériliser ?
– Je dirais que c’est une décision qui doit être réfléchie mais vu son irrémédiabilité, on la prend rarement à la légère de toute façon. Le groupe Facebook m’a beaucoup aidé quant à mon choix de méthode et de gynécologue alors je conseillerais de le rejoindre pour avoir accès à des listes de praticiens et à des retours d’expérience. Je dirais aussi qu’il ne faut pas culpabiliser d’avoir parfois des doutes, des incertitudes pendant le process notamment quelques jours avant l’opération. Ça m’est arrivé et je me disais que je n’étais pas si sûre de moi finalement si j’avais ce type de doutes. Mais après réflexion, je me suis rendu compte que n’importe quelle décision importante génère son lot de doutes, alors ça paraissait logique que ce soit le cas ici aussi.

Si vous êtes sûr(e) de ne pas vouloir mettre d’enfant au monde et que vous en avez la possibilité, je conseille vraiment de sauter le pas.