L’essai d’Antonio Melonio explore les motivations profondes derrière la pression croissante exercée par les gouvernements et les élites économiques pour inciter à la natalité. Il relie cette pression à une stratégie de contrôle social et économique. L’auteur avance que la question de la reproduction est de moins en moins une affaire privée ou morale, et de plus en plus un levier politique utilisé pour stabiliser un système capitaliste en crise, qui dépend structurellement d’une croissance continue, donc d’une population en augmentation.
Le capitalisme, selon lui, repose sur une contradiction : il exige une croissance infinie malgré des ressources finies. Cette dynamique nécessite constamment de nouveaux corps à exploiter. Alors que les taux de natalité baissent dans les pays occidentaux, les pays du Sud continuent de fournir une main-d’œuvre bon marché. Ces migrants, souvent poussés par la misère ou les conflits, prennent les emplois dont les habitants des pays riches ne veulent plus. Cette main-d’œuvre est exploitée dans des conditions précaires, non pas par hasard, mais parce qu’elle est facilement contrôlable.
À travers un exemple en Autriche, Antonio Melonio montre comment les travailleurs locaux ont été progressivement remplacés par des migrants d’Europe de l’Est, puis de régions plus éloignées. Ce flux n’est pas compatible avec les discours nationalistes de droite, qui promettent des frontières fermées tout en profitant de cette main-d’œuvre bon marché. Ce paradoxe révèle que l’économie impériale ne peut fonctionner sans ces travailleurs invisibles, que l’on tolère, mais que l’on n’intègre jamais vraiment.
Antonio Melonio aborde ensuite une conséquence plus intime de la parentalité : l’effet qu’elle a sur la capacité à résister au système. Avoir des enfants entraîne souvent une acceptation contrainte de l’ordre établi. Il devient plus difficile de contester, de s’engager dans des luttes sociales, ou même de quitter un partenaire violent. La responsabilité parentale pousse à rechercher la stabilité, ce qui mène fréquemment à la conservation de schémas sociaux oppressifs. Ce besoin de stabilité devient un outil implicite de contrôle.
L’auteur critique la manière dont les normes sociales imposent un parcours de vie standardisé : école, mariage, achat immobilier, enfants, retraite, mort. Ce modèle, présenté comme naturel ou désirable, limite en réalité la capacité d’action individuelle. Il évoque le poids de la culpabilité associée à l’échec de ce parcours, notamment lorsqu’on a des enfants. Dans ce cadre, les familles deviennent plus facilement manipulables : elles ont trop à perdre pour résister.
Enfin, Antonio Melonio conclut que la pression à la natalité est moins une question de culture ou de valeurs qu’un besoin structurel du système. Avoir des enfants transforme les individus en rouages plus dociles, plus dépendants, plus facilement gouvernables. Toutefois, il précise qu’il ne s’agit pas de juger ceux qui veulent des enfants : chacun doit vivre selon ses propres désirs. Il s’agit plutôt de souligner l’arrière-plan politique de ce choix souvent présenté comme personnel.