Si nous nous sommes beaucoup intéressé aux femmes lors de nos derniers témoignages, aujourd’hui, c’est un homme qui nous parle de sa vie de childfree et de son parcours vers la stérilisation définitive.
– Salut Jérémy, tu peux nous en dire un peu plus sur toi ?
– Bonjour, j’ai 31 ans et je suis développeur web freelance. Si je devais me définir en quelques mots, je dirais que je suis quelqu’un de très introverti, je me qualifie d’hypersensible et diagnostiqué Haut Potentiel il y a 4 ans.
– Comment as-tu découvert que tu ne voulais pas d’enfant ?
– Cette idée est née au collège, j’ai eu une enfance très autonome et indépendante, j’ai commencé à réfléchir au sens que je voulais donner à ma vie. Je ne me suis jamais vu parent, mon objectif était de trouver ma place en tant qu’acteur de ma vie, de mon rôle dans la société. A mes 21 ans, je rencontre ma première compagne avec qui j’ai partagé 7 ans de ma vie très fusionnel. Elle voulait des enfants, me posait souvent la question de quand je me déciderai. Moi, j’ai toujours freiné des 4 fers pendant plusieurs années, hésitant, je n’avais jamais osé m’affirmer et au contraire un jour j’ai cédé à son envie. Pendant un an nous avons essayé mais quelques choses en moi résistait et nous avons pas réussi. Mon cheminement a fait que j’ai fini par un peu plus m’affirmer, ma personnalité, mes choix et mes désirs, elle m’a quitté quelques mois plus tard. S’en est suivi une longue période de thérapie, une longue introspection pour, en partie, comprendre d’où venait ce désir de ne pas faire d’enfant. Avoir eu des relations amoureuses avec des mères m’a aussi permis de comprendre que ce n’était pas tant d’être entouré d’enfant le problème, j’adorais ça mais bien la conception d’un enfant et la responsabilité que ça impliquait.
– J’imagine que ton entourage est au courant, comment ont-ils reçu la « nouvelle » ?
– Ma thérapie m’a permis de relever comment mon éducation, ma vie d’enfant et mon environnement familiale a eu des impacts sur ma vie d’adulte. Je pense que quand j’ai commencé à en parler à mes parents ça leur a mis la puce à l’oreille puis petit à petit j’ai commencé à leur en parler. Ca s’est fait progressivement. En parallèle de mon cheminement personnel, ils ont fini par accepter qu’élever un enfant n’était effectivement pas toujours facile et qu’il comprenait que je ne voulais pas passer par là. J’ai aussi commencé à en parler de plus en plus souvent autour de moi, une façon d’affirmer mon choix, de montrer mon engagement pour que cette idée soit entendue et acceptée par la société.
– As-tu ressenti une certaine pression sociale par la suite ?
– Les gens et même les médecins ont souvent un ton très paternaliste, à savoir mieux que toi ce que tu veux ou ce que tu voudras peut être un jour. Il essayent de te faire douter par le regret de pas avoir d’enfant, en oubliant le regret qu’on peut ressentir d’en avoir (et le fait que c’est encore un énorme tabou). Outre la pression de mon ex-compagne, il y avait aussi la pression familiale, ma mère et ma grand mère désiraient avoir des poupées à pomponner. Ma psy me parlait d’un « don de la vie » comme si le fait d’être née impliquait que j’avais une dette à rembourser. Mon médecin traitant ne s’est pas non plus gêné à dire que je ne trouverai pas de médecin pour me faire stériliser. Sans oublier tous les parents qui, dès que tu remets en question l’éducation parentale, te rabaissent au fait que tu ne peux pas comprendre, en omettant qu’avant être un parent, on a été un enfant.
– De plus en plus de personnes font le choix de ne pas avoir d’enfant par conscience écologique, dirais-tu que ça participé à ton choix ou c’est du « bonus » ?
– Ça n’a pas été la motivation principale mais ça a nourri mon choix, mon désir et ma motivation. La population ne cesse d’augmenter exponentiellement, motivé par la vision politique d’une croissance infini. Sauf qu’on oublie que le monde autour de nous est fini et certaines ressources sont limitées. Nous espérerons tous que ce soit les autres qui fassent des efforts, sans jamais prendre nos responsabilités. A chaque enfant conçu, on rajoute l’impact écologique de toute la vie d’une personne supplémentaire, même si celle-ci réduit son impact, ça restera toujours le plus énorme impact écologique imaginable.
– Que t’apporte cette vie sans enfant ?
– C’est une très bonne question et pas si simple pour moi. Quand je vois à quel point les enfants occupent les parents pendant tant d’années et comment certains se retrouvent quand les enfants quittent le nid, je me demande parfois si ce n’est pas pour fuir quelque chose. Parce que sans enfant, comment trouver un sens à son existence ? Comment s’occuper pendant toutes ces années ? Comment concevoir la fin de sa vie ? C’est une réponse que je ne possède pas encore totalement mais je continuerai à la chercher. Ne pas avoir d’enfant me permet de libérer énormément de temps pour m’aider à ça. J’espère pouvoir construire, par moi même et avec mon entourage, un sens à cette vie.
– Tu es actuellement dans une démarche de stérilisation, qu’est-ce qui a motivé ce choix ?
– Je fais parti de ces gens hétéro qui trouvaient ça normal que ce soit la femme qui s’occupe de la contraception. Ma première compagne a toujours pris la pilule et ça ne m’avait jamais questionné plus que ça. Après ma première rupture, j’ai commencé à m’intéresser au féminisme, à l’impact de notre société patriarcale, à tous les schémas que nous avons intégré. Moi qui aime beaucoup remettre tout en question, j’ai commencé avec ce sujet. J’en suis arrivé à la contraception et je trouvais ça normal que si je ne désire pas d’enfant, ça soit ma responsabilité de m’occuper de ça. De plus c’était aussi une façon à moi d’affirmer mes valeurs, mes idées et de réduire les risques. Ma plus grande peur a toujours été d’avoir des enfants et de le regretter.
– Quelle méthode as-tu choisi et pourquoi ?
– J’ai choisi de faire une vasectomie parce que c’est une opération très simple et rapide à faire, sans aucun impact dans la vie personnelle et sexuelle et définitive. La seule chose compliquée, c’est la démarche. La stérilisation volontaire et définitive n’est pas encore très bien acceptée en France, comparé à beaucoup d’autres pays. Donc ça demande de trouver le bon médecin qui accepte de faire l’opération et pour moi ça m’a demandé d’aller faire une conservation de sperme pour le rassurer, tout en combattant les injonctions des médecins du CECOS. Mais avec un peu de patience, on arrive à bout de ces obstacles.
– Quelque chose à rajouter, des conseils à donner ?
– Ne laissez personne (ami-e-s, famille, compagne-compagnon, la société en générale) décider à votre place du sens que vous voulez donner à votre vie et ils doivent respecter vos valeurs. Vous n’êtes pas seuls, apprenez à vous affirmer, montrer au monde qui vous êtes avec vos valeurs pour que ceux qui se reconnaissent là dedans, puissent faire de même.