On fait de moins en moins d’enfant, c’est un fait. Une situation qui inquiète les politiques qui voient déjà là, une future pénurie de main d’œuvre arriver. Bien que l’on devrait s’interroger sur la fragilité d’un système capitaliste, très utopiste, où la croissance est infinie, on évoque plutôt l’idée d’inciter le peuple à se reproduire. Difficile de ne pas voir ici la déconnexion de plus en plus visible des hommes qui gouvernent, incapables de se poser les bonnes questions.
Pourquoi ne fait-on plus d’enfant ?
D’aussi loin que l’humanité existe, il y a toujours eu une part de la population qui n’a pas eu d’enfant. Choisie ou non, la non-parentalité a toujours été le sujet de regards curieux, poussant les médias à montrer ces personnes comme des bêtes de foire. Emprunter le chemin tout tracé, dicté par des traditions désuètes, n’est pas toujours la voie que l’on souhaite prendre. Être childfree aujourd’hui, ça n’est pas « une mode » ou un truc « cool » pour se démarquer. Ce phénomène a toujours existé, sauf qu’il est maintenant visible.
Les raisons qui poussent à ne pas faire d’enfant sont diverses et variées, chacun a un parcours différent. Cela peut être pour des raisons écologiques, car la natalité est problématique pour l’avenir de la planète, entrainant la naissance de mouvement comme celui des « GINKS ». Ou plus simplement, parce que l’on ne se sent pas en capacité d’endosser le rôle de parent. De manière plus générale, la parentalité n’est pas faite pour tout le monde. Tout est question de priorités et de choix de vie.
Pour ma part, dès mon plus jeune âge, j’ai fait part de mon choix de ne pas vouloir d’enfant. Bien entendu, j’aurais eu le droit aux classiques « tu changeras d’avis » ou « tu le regretteras plus tard » qui sont venus alimenter le bullshit bingo. Pourtant, passé 40 ans, je n’ai aucun regret et si c’était à refaire, j’emprunterais la même voie. Je n’ai jamais trouvé notre société suffisamment accueillante et bienveillante pour imposer tout cela à un être qui n’a rien demandé. J’ajouterais que les problèmes climatiques sérieux auxquels nous faisons face, j’en entends parler depuis plusieurs décennies.
Que ce soit le dérèglement climatique ou la multiplication des pandémies sont des choses qui ont été prédites par les scientifiques depuis longtemps. L’occasion pour les complotistes de détourner des discours pré-COVID, comme si le factuel était trop dur à digérer. Plusieurs décennies à entendre « ils nous font chier ces écolos », alors que dans les faits, la société humaine va droit dans le mur. Quoi qu’il arrive et même si l’on prenait toutes les dispositions nécessaires pour éviter le pire, dès aujourd’hui, la société va devoir faire face à ce dérèglement.
Oui, le constat est sinistre et il est assez peu probable que les générations futures aient une belle vie. Au-delà des considérations écologiques, les choix de société qui ont été faits, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, n’ont pas l’air d’aller dans le sens du changement. Une politique conservatrice qui a toujours refusé de faire évoluer les systèmes économiques et sociaux. Je suis arrivé à la moitié de mon existence (si tout va bien) et je n’ai pas le sentiment que le monde d’aujourd’hui est meilleur que celui d’avant. Les guerres et la montée des extrêmes montrent bien à quel point notre monde n’apprend pas de ses erreurs. Et nous devrions faire des enfants ?
Le réarmement démographique : vers une parentalité guerrière ?
En politique, le choix des mots est souvent important. Lorsque l’on parle de « réarmement démographique », le message est clair. Il faut faire des enfants pour se battre. Produire de la chaire à canon pour faire survivre une économie bancale, c’est, basiquement, le propos ici. Il est difficile d’imaginer qu’un tel argument puisse encourager qui que ce soit à se reproduire. On imagine déjà des dispositions pour rendre encore plus complexe la stérilisation qui relève souvent du parcours du combattant. Un acte fort, dicté par la volonté d’assumer ses choix. On ne peut pas imposer à quelqu’un la parentalité, même « pour sauver sa patrie ». Un enfant a besoin d’un cadre sain pour s’épanouir et ce cadre ne l’est pas.
Faire des enfants est un choix qui doit être réfléchi. C’est littéralement le message qu’essaie d’envoyer la communauté childfree depuis des années. Le regret de la parentalité est réel, expliqué par une réflexion qui n’a pas toujours eu lieu. « C’est le but de la vie » ou « c’est comme ça » n’ont jamais été des arguments pour faire des enfants. Fréquemment mal interprété, le message des childfrees est pourtant clair : vous avez le choix. Bien qu’il soit évident que cette communauté ne vous encouragera jamais à vous reproduire, personne ne vous l’interdira jamais. Tant que ce choix est fait en son âme et conscience et que l’on a la capacité d’élever un enfant.
Les seuls responsables de cette décroissance démographique, ce sont les politiques qui n’offrent pas d’alternatives à ce système qui ne rend pas heureux. Parce que le problème fondamental, c’est bien ça : le bonheur. Une donnée écartée, au profit d’une économie fragile qui tient avec des bouts de ficelles. On ne sera pas heureux dans un monde qui s’effondre. Le pessimisme factuel est pourtant la raison principale pour laquelle on fait de moins en moins d’enfants. L’avenir peut probablement être meilleur, mais il n’a jamais été aussi incertain. Dans un pays aussi développé que le nôtre, où avoir un toit et bouffer est la principale préoccupation, tout cela me fait dire que les enfants deviennent alors une charge difficile à gérer.
L’évolution de la communauté childfree
Cela fait maintenant près de cinq ans que j’ai lancé cette modeste communauté sur Internet. J’ai eu de très nombreux échanges avec des personnes sans enfant par choix. Je constate, ces dernières années, que les motivations ont changées. Au départ, c’était la liberté de choix qui prenait le pas sur les autres raisons. Aujourd’hui, je vois davantage de monde choisir de ne pas avoir d’enfant, car cette société ne leur convient pas. Difficile de dire si ce sont les confinements qui ont fait prendre conscience, à une partie de la population, du monde dans lequel nous vivons, mais il y a eu un décrochage palpable à partir de cette période.
À moins d’obliger les gens à faire des enfants, je ne vois pas comment ce « réarmement démographique » pourrait avoir lieu. En tout cas, tant que les politiques n’apporteront pas de vraies alternatives sérieuses à ce vieux modèle de société malade. Tout le monde n’est pas privilégié, tout le monde n’est pas en capacité d’assumer la parentalité dans un tel contexte. Il est toujours plus simple d’évoquer le pessimisme que de s’en tenir aux faits. C’est entendable et compréhensible, mais malheureusement, ça ne donne pas d’argument pour inciter à faire des enfants.
J’ai toujours assumé mon choix de ne pas vouloir d’enfant. Au départ, pour des raisons personnelles et ma volonté de faire autre chose de ma vie. Aujourd’hui, j’estime que ce choix n’a jamais été aussi pertinent.