Lorsque l’on veut se faire stériliser, c’est souvent le parcours du combattant. C’est encore plus vrai lorsque le non-désir de parentalité se fait ressentir dès le plus jeune âge. C’est le cas de Manon qui a bien voulu nous parler d’elle et de son choix de ne pas avoir d’enfant.
– Bonjour Manon, peux-tu te présenter ?
– Bonjour, je suis étudiante à l’Université, j’ai 20 ans et je me suis faite stérilisée il y a quelques mois. Je n’ai jamais eu envie de faire des enfants et ça s’est confirmé en grandissant. Aujourd’hui je suis certaine que je ne veux pas d’enfant dans ma vie. C’est pour cette raison que je suis passée par la stérilisation, je ne me voyais pas prendre la pilule tout au long de mon existence.
– Quand as-tu réellement compris que tu ne voulais pas d’enfant ?
– Depuis que je suis toute petite, je dirais. Dès l’enfance, je devais avoir 10 ans quand j’ai réalisé ce qu’impliquait le rôle de mère. J’en avais discuter avec mes parents qui avaient été très compréhensifs à l’époque. Il m’avait bien expliqué que je pouvais faire ce que je voulais de ma vie. J’ai la chance d’avoir été élevée dans un milieu équilibré avec des parents très présents pour moi. Je suis fille unique et ils avaient beaucoup de temps à m’accorder. Je suis très reconnaissante de la vie qu’ils ont pu m’offrir et encore aujourd’hui, ils sont toujours là pour moi.
– Les personnes qui ne souhaitent pas d’enfant parlent souvent du « parcours du combattant » pour se faire stériliser. Ca a été ton cas ?
– Oh que oui ! J’ai du passer par 7 médecins généralistes différents pour en trouver un qui était réellement à l’écoute. J’ai du ensuite batailler pour trouver un gynécologue qui acceptait de me recevoir pour parler de ma stérilisation. J’en ai rencontré 3 et c’est le dernier qui a accepté ma demande. J’avais entamé les démarches à mes 18 ans. C’était une chose que je voulais faire au plus vite pour ne plus avoir cette pression de risquer de tomber enceinte alors que je commençais à découvrir ma vie sexuelle. Je dirais que ma décision de me faire stériliser a été prise lorsque j’avais 16 ou 17 ans. Je m’étais beaucoup renseignée sur Internet et c’est aussi à ce moment que j’ai découvert la communauté childfree. J’ai lu énormément des choses sur le sujet notamment le livre de Corinne Maier.
– J’imagine que tu as participé aux discussions sur les groupes childfree, ça t’as aidé ?
– J’ai un bon niveau d’anglais, c’est donc sur Reddit que j’ai rejoint le fameux forum (ndlr : plus d’1M de membres). Je voyais plein de gens s’épanouir dans leur vie sans enfant. C’est ce que je voulais moi aussi. J’ai commencé à parler de mon cas, les gens y étaient très compréhensifs. Même si je sais que j’étais particulièrement jeune à cette époque, j’étais convaincue que je voulais faire autre chose de ma vie. Je ne voulais pas être mère. Je n’en avais pas envie pour être tout à fait exacte. Effectivement, ça m’a fait du bien de pouvoir échanger avec d’autres personnes qui avaient fait ce choix et qui semblaient tout à fait heureuses.
– Les childfree ont souvent beaucoup de raisons de ne pas faire d’enfant. Quels sont les tiennes ?
– J’ai lu beaucoup de choses là-dessus également. Pour moi, il n’y a pas particulièrement de convictions écologiques ou de gènes que je ne voudrais pas transmettre. Comme je l’ai expliqué, je suis quelqu’un de plutôt équilibrée et heureuse dans ma vie. Je n’en veux pas, c’est tout mais je comprends que certaines personnes cherchent à avoir des arguments face à la pression sociale permanente que l’on met sur les femmes. J’ai envie de faire autre chose de mon temps, j’ai beaucoup de passions et je n’ai pas envie de mettre un frein à ma créativité ou à mon épanouissement personnel juste pour faire comme la plupart des gens. Je ne veux pas d’enfant, c’est aussi simple que ça.
– Qu’ont pensé ton entourage et tes amis proches de ta démarche de stérilisation ?
– Mes parents l’on très bien accepté. On en a longuement parlé. Ils savaient que je n’ai jamais voulu d’enfant, ils m’ont conseiller de bien y réfléchir mais ma décision était prise depuis très longtemps. J’ai vraiment de la chance d’être aussi bien entourée. Je sais que ça n’est pas toujours le cas surtout lorsque l’on n’a que 18 ans. Comme j’étais majeure lorsque j’ai entamé les démarches, ils ne pouvaient pas y faire grand chose de toute façon. Tous mes amis n’étaient pas forcément d’accord avec ça. Pour eux j’avais encore le temps avant de prendre une telle décision mais je ne voulais pas à avoir à supporter le poids de la contraception. Parce que c’est souvent les femmes qui doivent assumer cet aspect de la sexualité.
C’est aussi à ce moment que j’ai compris qu’il y avait encore un certain tabou autour de la non-parentalité. Pour beaucoup, il est difficile d’imaginer que l’on ne peut pas avoir envie d’enfant. J’ai un ami qui songe aussi à la vasectomie, il veut encore y réfléchir mais je pense que c’est surtout parce qu’il n’a pas forcément eu un cadre familial compréhensif. On en parle de temps en temps mais il est dans une démarche de réflexion que nombreux amis de mon âge n’ont pas. A vrai dire, j’ai l’impression que beaucoup ne se pose pas de questions sur ce sujet et pour eux, le but c’est de finir leurs études, trouver un job, acheter une maison et faire un gosse. Si j’adhère à une partie de ce parcours, la finalité n’est pas du la même pour moi.
– Le gros argument contre la stérilisation volontaire, c’est le regret. Penses-tu que tu pourrais regretter un jour ?
– Non ! Ma décision est prise depuis toujours. Dès que j’en ai eu l’opportunité, je me suis lancée dans les démarches. Très franchement, si j’avais pu le faire à 16 ans, je l’aurais probablement fait. C’était une période où je commençais à découvrir ma vie sexuelle avec mon premier petit copain. J’avais très peur de tomber enceinte même si on faisait très attention avec le préservatif, ça me gâchait un peu le plaisir pour être honnête. Je vérifiais régulièrement que la capote était toujours bien en place. J’ai pris la pilule, un temps mais les effets secondaires étaient insupportables pour moi.
Je sais que vous en avez parlé il n’y a pas longtemps mais les parents qui regrettent d’avoir des enfants existent aussi (ndlr : une étude allemande sur le sujet) pourtant personne ne semble remettre en question le choix des personnes qui veulent procréer. Faire des enfants, c’est tout aussi définitif que la stérilisation volontaire. Je n’ai pas le sentiment que les professionnels de santé mettent en garde contre ça.
– Que dirais-tu à une jeune personne qui ne désir pas d’enfant ?
– Quoi qu’il arrive, il y aura toujours un délais de réflexion de 4 mois mais je crois que ça n’est pas forcément suffisant. Il faut que cette réflexion soit mûrie bien avant. A 18 ans, on nous considère encore comme des enfants, c’est un fait. J’ai l’impression que les personnes plus vieilles que nous on déjà oublié ce que c’était d’avoir cet âge. Nous sommes tout à fait capables de prendre nos propres décisions. Oui, il peut arriver que l’on manque de maturité mais ça ne veut pas dire que l’on ne sait pas ce que l’on désire faire de notre vie. J’ai des projets pour les 20 prochaines années et avoir des enfants signifierait abandonner tous mes rêves, je ne veux pas de cette vie là.
J’ajouterais que pour en avoir parler avec des parents, rares sont ceux qui ont eu une véritable réflexion sur ce sujet. Pour eux c’était « normal » de faire des enfants sans se poser plus de questions. Je crois que malgré mon âge, j’ai une vision beaucoup plus claire sur la question que beaucoup de personnes qui n’ont jamais eu une réelle démarche pour se demander si c’était une chose qui était réellement faite pour elles. Je le vois dans mon entourage proche, certains sont devenu parents et n’arrivent pas à l’assumer laissant leurs gamins se débrouiller seuls dans leurs études et qui doivent trouver un job en plus du travail à l’Université. Faire des enfants est une chose, pouvoir les assumer en est une autre.
– Quelque chose à rajouter ?
– Je dirais que c’est une décision qui ne concerne que vous. On vous découragera probablement mais si c’est un choix que vous avez réfléchi pendant des années, il n’y a pas de raison que vous ne puissiez pas faire ce que vous voulez faire de votre corps. Les médecins généralistes ne sont pas encore tous entrés dans le 21è siècle. C’est difficile de batailler face à de vieux rabougris qui pensent encore que les femmes ne sont faites que pour procréer. J’ai eu la chance de finalement trouver une personne compréhensive après de multiples tentatives mais je crois que c’est ma détermination qui aura finalement eu le dessus sur cette veille France dont on ne veut plus.