Depuis un peu plus de 10 ans maintenant, je m’exprime publiquement sur les réseaux sociaux sur le sujet de la non-parentalité. Afin de rester à la page sur la question et de surveiller les différentes initiatives qui peuvent exister, je fais naturellement de la veille en ligne. Que ce soit sur les réseaux sociaux mais aussi via la presse traditionnelle. Très régulièrement, des journalistes viennent à la rencontre des communautés. Etonnement l’accueil est rarement positif, certains affichant même un « pas de demande d’interview » sur leurs profils.
Manque de confiance généralisé
Il faut dire que ces dernières années, la presse a cherché de nouveaux moyens pour attirer les foules sur leurs sites. Et quoi de mieux que des sujets polémiques qui vont naturellement créer de l’engagement sur les réseaux sociaux pour faire parler d’eux ? C’est typiquement le modèle d’un Brut ou d’un Konbini. De l’info-divertissement qui traite de sujets qui divisent pour que les gens se déchirent dans les commentaires. Si ces médias sont nés sur Internet, les médias plus traditionnels ont aussi cette fâcheuse tendance à traiter l’information de cette manière. Que ce soit au niveau du montage d’une vidéo ou de l’orientation d’un article, tout semble pensé pour alimenter les réseaux sociaux.
Cette défiance n’est pas réellement nouvelle et elle existait bien avant le numérique mais le fait est que cela s’est clairement amplifié ces dernières années. Certains on joué le jeu de l’interview ou on donné leur point de vue à travers ces médias et les résultats ont rarement été très pertinents. Parce qu’une personne équilibrée qui fait le choix de ne pas faire d’enfant, ça n’incite pas au clic. On cherche donc des profils plus atypiques qui vont forcément réveiller les trolls de tout poil. Un choix éditorial qui laisse le message principal au second plan.
Peut-on réellement s’exprimer dans la presse ?
A de nombreuses reprises, j’ai évité la lumière de ces médias. Bien que cela aura pu servir mes affaires, j’ai rarement été en contact avec des journalistes réellement bienveillants. La plupart du temps, on cherche à remettre en question notre choix malgré la floppée d’arguments que l’on peut avoir. Pourtant l’équation est simple, on ne veut pas d’enfant et on dénonce la pression sociale sur le sujet de la parentalité. Récemment, le hashtag #RegretMaternel a quelque peu libéré la parole. Bien que l’on sache que 20 % des parents regrettent d’avoir eu des enfants, les médias traditionnels tentent toujours de nous mettre dans une case de personnes « excentriques ».
Cette visibilité que j’ai toujours plus ou moins évitée, c’est aussi l’assurance de se prendre des torrents de merde sur les réseaux sociaux et de recevoir toujours les mêmes poncifs en commentaires. Parce que cette fameuse orientation des médias met tout en œuvre pour créer une polémique là où il ne devrait pas y en avoir. Difficile de se sentir en sécurité face à un journaliste lorsqu’un article sur deux est pensé de cette manière. Pour être confronté régulièrement à des demandes, je comprends sincèrement la défiance de la communauté childfree qui a pourtant bien besoin de visibilité afin de faire passer des messages importants. La parentalité doit être réfléchie et elle est régulièrement survendue dans cette même presse, dans les médias en général et même dans les divertissements.
Une société violente
On accuse souvent les réseaux sociaux de bien des maux mais la réalité est bien plus terrible puisque ce n’est que le reflet d’une société incapable de se remettre en question et c’est applicable à la parentalité. Depuis la fin de la seconde guerre, faire des enfants a toujours été montré comme le but ultime dans la vie. A une époque où l’avenir est de plus en plus remis en question, que des milliers de scientifiques tirent la sonnette d’alarme quant au dérèglement climatique, on comprend mieux pourquoi les childfree veulent se faire entendre. Ajoutons à cela le problème de pression sociale et ce n’est qu’une infime partie des arguments que l’on peut avoir pour « se justifier » de ne pas faire d’enfant. En revanche, il est difficilement possible de justifier la parentalité. Les arguments sont essentiellement d’un seul côté quand on y réfléchit bien.
L’idée n’est pas forcément de culpabiliser ceux qui veulent des enfants mais surtout de faire comprendre tout ce qu’implique la parentalité. La charge mentale est rarement abordée quand on essaie de nous vendre les enfants, par exemple. Beaucoup de personnes ne réalisent pas forcément le bouleversement que représente un bébé dans leurs vies. Selon moi, il est essentiel d’avoir tout cela en tête avant de se lancer dans une telle aventure et de se poser les bonnes questions. Suis-je assez solide pour assurer ce rôle de parent ? Pourquoi je veux un enfant ? Autant de questions qui n’ont pas forcément de réponse. La pression sociale est souvent la seule raison pour laquelle on fait des enfants. Il reste intéressant de comprendre ce qui nous pousse à cela. Est-ce une réelle envie ou est-ce que c’est pour faire comme tout le monde ? L’envie de devenir parent ne doit pas être prise à la légère.
Puis-je faire confiance à la presse ?
J’ai plusieurs fois hésité avant de me confier à un·e journaliste mais quand je vois le traitement général de l’information sur de nombreux sujets, j’ai réellement du mal à me dire que mes propos ne seront pas déformés ou présentés pour faire du buzz sur les réseaux sociaux. Si j’ai opté pour un petit site sans prétention, c’est surtout pour avoir une certaine liberté et de pouvoir laisser la parole à celles et ceux qui le souhaitent. Aussi pour sortir d’un certain entre-soi qu’il peut y avoir sur les groupes fermés sur Facebook notamment. Bien que je ne sois pas totalement contre l’idée de partager le message de la communauté dans d’autres médias, comme beaucoup, j’ai peur que cela ne serve pas le mouvement et ce qu’il a à dire.
Les mentalités évoluent, c’est un fait. La presse aborde beaucoup plus le sujet qu’il y a quelques années. Il existe de bons papiers sur certains sites mais les articles que je peux lire me font grincer des dents une fois sur deux. Soit on prend de mauvais exemples, soit le·la journaliste en profitera pour glisser un mot sur la fabuleuse aventure qu’est la parentalité. Pour moi, c’est souvent hors de propos et amoindrit le message qui tente de mettre un lumière un profond problème sociétal qui peut détruire des vies. Parce que la parentalité n’est pas faite pour tous et qu’il est nécessaire que de futurs parents potentiels en aient bien conscience. De mon point de vue, cela va beaucoup plus loin que « je ne veux pas d’enfant ».