Faire des enfants, c’est souvent la vie rêvée. Pourtant certaines femmes regrettent ce choix. Parmi la foultitude de tabous qui peuvent exister, le regret d’être mère est un sujet rarement abordé. Beaucoup de femmes ne s’épanouissent pas dans ce rôle. Les prénoms a été changés pour préserver l’anonymat de ce témoignage.
– Bonjour Emma, peux-tu te présenter ?
– Je suis mariée et mère de 2 enfants. Je travaille dans le médicale, dans une EHPAD pour être précise. J’ai une vie plutôt rangée avec la maison, la voiture et la train-train de la famille. Je dirais que je suis un peu madame tout le monde.
– Tu sembles soutenir le mouvement childfree, tu peux nous en parler ?
– Avant de me marier, j’avais une vie assez agitée. Je voyageais beaucoup, j’avais de nombreuses activités comme la peinture et je m’étais même essayé à la guitare, sans grand succès, il faut bien l’avouer. Quand j’ai rencontré mon mari, on était très amoureux et on l’est encore. Est arrivé le premier enfant naturellement, comme une suite logique. A l’époque, je ne me suis pas trop posé de questions, c’était « normal » et mon entourage semblait totalement approuver cette décision. Avec le temps mon point de vue sur la parentalité a changé. C’est surtout à l’arrivée du second que j’ai compris que j’avais peut être faire une « erreur ». Pour moi, les communautés childfree sur Facebook sont un moyen de faire prendre conscience à certaines personnes que ce modèle n’est pas le seul chemin possible. Alors oui, le mouvement childfree a du sens même si on est mère.
– Le regret d’être mère, c’est un sujet tabou ?
– Je le pense, oui. Socialement, tu peux difficilement parler de ça avec ton entourage. Mon mari a été compréhensif quand je lui en ai parlé et heureusement pour moi, il est très impliqué dans tâches quotidiennes ce qui m’enlève un certain poids mais pour certaines femmes, ça doit être encore plus compliqué à gérer. A vrai dire, il n’y a qu’avec lui que j’ai partagé ça.
– Comment tu t’es rendu compte que tu n’avais pas fait le bon choix ?
– Comme je le disais, les choses se sont faites de la manière la plus naturelle possible. J’étais amoureuse, notre situation était stable, c’était la suite logique. Avec le recul, je me rends compte que je n’avais jamais pensé à un choix de vie alternatif. J’aime mes enfants, c’est un fait mais si c’était à refaire, c’est évident que je n’en ferais pas. Outre le fait qu’ils me prennent maintenant tout mon temps libre, la manière dont évolue la société n’annonce rien de bon pour les générations à venir. J’ai un peu le sentiment de les avoir mis dans cette galère alors qu’ils n’avaient rien demandé au départ. Ca peut paraitre égoïste mais je n’ai plus d’activités qui m’épanouissent. Je préfère leur donner une bonne éducation, ils n’ont pas à être les victimes de mes choix.
– Si tu avais eu connaissance du mouvement childfree, tu penses que cela aurait changé quelque chose ?
– J’ai découvert ce groupe de personnes sur Facebook. J’étais curieuse de voir ce qu’il s’y disait et c’est comme ça que j’ai découvert que beaucoup de gens assumaient complètement le fait de ne pas vouloir de la vie que j’avais. A l’époque, mon second enfant venait d’arriver et je commençais à me poser pas mal de questions. J’ai tout de suite trouvé formidable que des gens avaient cette réflexion avant de se lancer et pour certains, en faire carrément un mode de vie. J’ai quitté ces groupes car certaines personnes étaient un peu lourdes au sujets des mères de familles qui ont déjà bien assez de problèmes comme ça.
– Si je comprends bien, tu n’as pas eu cette période de réflexion avant de faire un enfant ?
– Ca serait faux de dire que je n’ai pas eu de doute. Quand on a commencé à en parler avec Alexandre, on se disait qu’on était bien installés et que toutes les conditions étaient réunies. Mon entourage avait déjà des enfants et tout semblait bien se passer de notre point de vue extérieur. Maintenant, quand je parle avec les autres mamans, je me rends compte à quel point cette « vie rêvée » n’est pas aussi rose que tout le monde veut bien le raconter. Ce tabou que l’on a évoqué touche tout le monde. En public les gens disent que les enfants c’est formidable mais au quotidien, nombreux sont ceux qui galèrent. Je crois qu’on nous a un peu survendu cette vie et qu’elle affecte un grand nombre de femmes.
– Aurais-tu un conseil à donner à quelqu’un qui envisage les enfants ?
– Il faut totalement faire abstraction de cette pression sociale qui veut que ce soit le cheminement normal pour tout le monde. Ca n’est pas vrai. Faire un enfant est un choix, pas une obligation. Je sais que les childfree s’amusent souvent du fait qu’on leur demande pourquoi ils ne veulent pas d’enfant mais la vraie question c’est de savoir pourquoi on voudrait en avoir. L’égoïsme qu’on peut parfois leur reprocher est peut être plus présent chez ceux qui en veulent. Un bébé, ça n’est pas jouet ou un animal, c’est une personne. Ce choix ne doit pas être un caprice mais être bien réfléchi.
– Quelque chose à rajouter ?
– Je ne peux qu’inviter les childfree a s’affirmer encore plus et à en parler le plus possible autour d’eux et sur les réseaux sociaux. Ce mouvement se doit d’être connu. Il faut que les gens qui envisagent la parentalité aient réellement conscience qu’ils ont le choix. J’ai le sentiment que l’on ne s’en rend pas forcément compte quand on est embarqué dans « la machine ».